« En quoi enseigner c’est être en position d’analysant? »

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« En quoi enseigner, c’est être en position d’analysant ? »

ACF- Journées avec B. JULLIEN, Aout 2021

Lacan dit : « Quelque chose auquel on ne comprend rien, c’est tout l’espoir, c’est le signe qu’on est affecté. Heureusement qu’on n’a rien compris, parce qu’on ne peut jamais comprendre que ce qu’on a déjà dans la tête ». [1]

L’enseignement selon Lacan c’est le savoir acquis de la psychanalyse. L’enseignement de la psychanalyse n’est pas l’enseignement universitaire. En effet, il suppose de se laisser bousculer dans ses certitudes et de la rencontre avec le texte ou l’orateur accepter qu’émerge une autre question, une équivoque, un manque. N’est-ce pas cela la position de l’analysant ?

Quelle idée me traverse lorsque « j’enseigne » et que « je » suis enseignée ? qu’est ce qui me conduit en cartel ? que se passe-t-il lorsque j’écoute un témoignage de patient ou de passe ? une conférence ? ou encore lorsque je lis Lacan. Ce sont autant d’interrogations que cette question à l’Ecole a suscitées.

Enseigner et être enseigné semblent indissociables ; il s’agit d’exprimer quelque chose du désir de celui qui enseigne mais également de celui en position d’être enseigné.

Dans l’enseignement, il y aurait l’expression d’un désir de savoir qui donnerait l’illusion de pouvoir s’affranchir du désir de l’autre.

Pierre NAVEAU sur la position subjective de l’enseignant disait, dans son texte « Le risque d’enseigner » : « il faut y croire, à coup sûr, mais il est impossible de s’y croire »[2], s’inspirant ainsi de ce que disait Lacan dans son « Allocution sur l’enseignement » : « à s’offrir à l’enseignement, le discours psychanalytique amène le psychanalyste à la position du psychanalysant »[3]. Il n’y a donc pas d’enseignement de la psychanalyse sans transfert.

L’analysant est en posture d’analyser quelque chose de son désir et de son savoir sur lui-même et d’en dire quelque chose à l’analyste. Connaissance sur soi dont l’analysant fait un savoir dont il peut disposer pour en transmettre une parole à l’autre.

Ce qui s’enseigne c’est de l’inconscient, le reste c’est de l’information, du redit. Peut-on parler « d’effet d’enseignement » comme d’un effet de la cure ?

B.JULLIEN[4] dans son texte sur le cartel dit:  « […]En essayant de répondre à ce qui fait énigme pour eux, j’entends dans ma formulation de nouvelles pistes de compréhension, un peu comme dans la position de l’analysant, lorsqu’on aperçoit, dans ce qu’on dit en séance, une équivoque, un autre sens, un oubli, un mot qui manque… ».

Enfin l’enseignement c’est également une question de rencontre. De cette rencontre chaque partie s’enseigne. Il n’y a pas d’enseignement unilatéral mais un double-enseignement qui ne peut émerger que de la rencontre avec l’autre. N’est-ce pas là la question du transfert ?

 

[1] Jacques LACAN, le séminaire livre XI, « Les 4 concepts fondamentaux de la psychanalyse » Paris, seuil 1973, pages 214-215

[2] Pierre NAVEAU, Extrait du texte « le risque d’enseigner » initialement paru dans MILLER J-A. ss dir. Qui sont vos psychanalystes ? Paris, seuil, 2002, page 41- 420

[3] Jacques LACAN « Allocution sur l’enseignement » dans Autres écrits, Paris, seuil, 2001, page 304

[4] Bénédicte JULLIEN, Cartelo N° 19 décembre 2017, Le cartel : s’enseigner de ceux qui nous affectent.